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Les enfants maltraités dans la littérature du XIXéme : GAVROCHE

Publié le par Boleslaw dit Bobby

Gavroche, dans Les Misérables de Victor Hugo (1890)


Les Misérables / Victor Hugo.- Paris : J. Hetzel et A. Lacroix (Gallica bnf.fr / Bibliothèque nationale
de France)

Gavroche est un enfant de 12 ans ; sa famille l’a jeté à la rue. Il est habillé de vêtements amples  et assez sales. Il a le visage marqué suite à ses nombreuses années dans la rue. La rue est sa maison, c’est un endroit où il se sent libre et il se contente de peu pour être heureux. Il vole juste pour se nourrir.Abandonné par sa famille dès son plus jeune âge, il ne peut compter que sur lui-même. Tous les deux ou trois mois, Gavroche retourne voir sa famille, qui le rejette de nouveau en lui demandant pourquoi il persévère. Vivant seul dans la rue, il est en manque d’affection. Il meurt, tué par une balle, pendant une émeute.

Victor Hugo veut faire passer un message, une remise en question des lecteurs à propos de leurs libertés
et de leurs façons de vivre, car, malgré sa misère, Gavroche est généreux, attentif aux autres et heureux
dans la rue.

J. Saviot, B. Dufourg

Gavroche, archétype du gamin de Paris

Gavroche, archétype du gamin de Paris
« Paris a un enfant et la forêt a un oiseau ; l'oiseau s'appelle le moineau ; l'enfant s'appelle le gamin. »

« Accouplez ces deux idées qui contiennent, l'une toute la fournaise, l'autre toute l'aurore, choquez ces étincelles, Paris, l'enfance ; il en jaillit un petit être. Homuncio, dirait Plaute.
Ce petit être est joyeux. Il ne mange pas tous les jours et il va au spectacle, si bon lui semble, tous les soirs. Il n'a pas de chemise sur le corps, pas de souliers aux pieds, pas de toit sur la tête ; il est comme les mouches du ciel qui n'ont rien de tout cela. Il a de sept à treize ans, vit par bandes, bat le pavé, loge en plein air, porte un vieux pantalon de son père qui lui descend plus bas que les talons, un vieux chapeau de quelque autre père qui lui descend plus bas que les oreilles, une seule bretelle en lisière jaune, court, guette, quête, perd le temps, culotte des pipes, jure comme un damné, hante les cabarets, connaît des voleurs, tutoie des filles, parle argot, chante des chansons obscènes, et n'a rien de mauvais dans le cœur. C'est qu'il a dans l'âme une perle, l'innocence, et les perles ne se dissolvent pas dans la boue. Tant que l'homme est enfant, Dieu veut qu'il soit innocent.
Si l'on demandait à la grande et énorme ville : Qu'est-ce que c'est que cela ? elle répondrait : C'est mon petit. »

— Victor Hugo, Les Misérables (Tome III. Marius – Livre Premier : Paris étudié dans son atome – Chapitre 1. Parvulus)

Biographie du personnage

Né en 1820, il est le fils des Thénardier qui ne l'aiment pas, ne veulent pas de lui et c'est pour cela qu'il vit dans la rue (il a l'habitude de dire « Je rentre dans la rue » quand il sort d'une maison). Il ne les voit que de temps à autre, mais il aidera tout de même son père à s'évader de prison. Gavroche connaît ses sœurs aînées, Éponine et Azelma, mais pas ses deux frères cadets qui ont été adoptés en très bas âge à la suite d'une sordide tractation de leurs parents. Après l'arrestation de leur mère adoptive, alors que les deux enfants se retrouvent à la rue, Gavroche les recueille sans savoir que ce sont ses frères. Mais ils s'égarent dans Paris le lendemain et on ne les revoit qu'une seule fois, cherchant à manger. Le lecteur ne sait pas ce qu'ils sont devenus.

Gavroche connaît bien la bande « Patron-Minette », des malfaiteurs que Thénardier sollicite pour ses mauvais coups.

Gavroche meurt le 6 juin 1832, peu après Éponine, près de la même barricade de la rue de la Chanvrerie, pendant l'Insurrection républicaine à Paris en juin 1832, en tentant de récupérer des cartouches non brûlées pour ses camarades insurgés et en chantant une célèbre chanson qu'il n'a pas le temps d'achever (Tome V. Jean Valjean – Livre Premier : La Guerre entre quatre murs – Chapitre 15. Gavroche dehors) :

Gavroche récupère les cartouches: Illustration de Pierre Georges Jeannot   1887

On est laid à Nanterre,
C'est la faute à Voltaire,
Et bête à Palaiseau,
C'est la faute à Rousseau.

Je ne suis pas notaire,
C'est la faute à Voltaire,
Je suis petit oiseau,
C'est la faute à Rousseau.

Joie est mon caractère,
C'est la faute à Voltaire,
Misère est mon trousseau,
C'est la faute à Rousseau.

Je suis tombé par terre,
C'est la faute à Voltaire,
Le nez dans le ruisseau,
C'est la faute à... [Rousseau]

Le Genevois Jean-François Chaponnière4 (1769-1856) est le père du refrain de cette chanson : il se moque du mandement écrit par le clergé le 5 février 1785, qui devait dissuader les fidèles d'écouter les philosophes des Lumières comme Voltaire et Rousseau. C'est en 1832 qu'apparaît la deuxième version de cette chanson écrite par le chansonnier Béranger s'intitulant Mandement des vicaires généraux de Paris. C'est un signe de ralliement entre révolutionnaires, gens du peuple et libéraux. Dans Les Misérables Hugo reprend le refrain « C'est la faute à Voltaire, c'est la faute à Rousseau » lors de la manifestation révolutionnaire des 5 et 6 juin 1832 ; Gavroche sort de la barricade pour récupérer les cartouches des morts  tout en chantant le refrain pour narguer les gardes nationaux jusqu'à ce qu'il expire, atteint par les tirs des soldats.